Sierra Burgess ou la glorification de l’usurpation d’identité

Avec le dernier long-métrage de l’écurie Netflix, on s’attendait à dénicher un teen movie léger et fleur bleue. À la place, on a écopé d’un film bancal et problématique qui prend surtout des airs d’ode au catfishing.

© Netflix

Lycéenne lambda aux choix vestimentaires douteux, Sierra Burgess ne rêve que d’une chose (la même que toute héroïne de film pour ados, évidemment) : trouver l’amour. Alors, quand l’occasion de prétendre être la bombe de son établissement via textos pour gagner l’attention du quarterback populaire se présente, elle n’hésite pas une seule seconde. Et c’est ainsi que démarre une idylle épistolaire 2.0 fondée sur le mensonge et la manipulation. Comment ça, ça ne fait pas rêver ?

Non, Sierra Burgess Is a Loser n’est pas un bon film, et encore moins un teen movie efficace en dépit d’un casting qui s’en tire avec les honneurs. Shannon Purser, éternelle Barb de Stranger Things, délivre une performance sincère, mais peut-être pas suffisamment pour faire de Sierra une protagoniste aimable. Face à elle, Noah Centineo, coupable de l’explosion de nombreux ovaires depuis la mise en ligne d’À tous les garçons que j’ai aimés. Toujours bon, l’acteur reste plus ou moins cloîtré dans le même type de personnage avec celui de Jamey, qui fait forcément écho à Peter Kavinsky. Tout ça est assez déstabilisant étant donné que les deux productions sont sorties à quelques semaines d’intervalle, sur Netflix en prime.

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Le cœur du problème avec Sierra Burgess, c’est son message indésirable. Tout au long des pénibles 105 minutes que dure ce film, l’héroïne éponyme collectionne les décisions suspicieuses. En plus de mentir sur son identité en se faisant passer pour Veronica – la mean girl au bon fond, archétype usé jusqu’à la moelle -, Sierra ne s’arrête pas là. Suite à un quiproquo, elle ment sur le fait de maîtriser la langue des signes, sans savoir que son crush a un petit frère malentendant. Pour le tact, on repassera. Pire encore, lors d’une scène improbable à souhait, Sierra embrasse Jamey sans que ce dernier soit au courant de son identité. Ah, le consentement, ce concept si étranger.

En soi, que Sierra commette tous ces actes répréhensibles, on peut le comprendre. Pour faire preuve d’impartialité, le film réussit à souligner son manque de confiance en elle et ses divers complexes. Et si ces aspects-là ne suffisent pas à justifier son comportement borderline, ils parviennent à la rendre un tantinet plus humaine. Mais ça ne suffit pas. Non, là où ça coince réellement, c’est au dernier acte de Sierra Burgess Is a Loser, point culminant d’une œuvre déjà bien frustrante.

Après s’être sérieusement plantée – en plus d’avoir allègrement joué avec les émotions de Jamey, elle a fait un sacré coup bas à Veronica qui était devenue son alliée -, Sierra doit passer à l’étape de rédemption. Rédemption qui, selon les scénaristes du film, passe simplement par l’écriture d’une chanson qu’elle envoie par fichier .mp3 à ceux à qui elle a causé du tort. Les excuses semblent, là aussi, être une idée surfaite.

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Au bout du compte, bien que ce soit prévisible (le concept de happy end est inhérent au genre du film pour ados), Sierra rafle la mise. Au terme de l’intrigue, elle décroche non seulement l’affection du crush qu’elle a manipulé comme un pantin, mais réussit aussi à recoller les morceaux avec sa supposée meilleure amie qu’elle a humilié devant tout le lycée. Vendu comme salvateur, ce dénouement est plus ahurissant qu’autre chose.

La morale de Sierra Burgess Is a Loser est des plus maladroites. Dans son ensemble, l’œuvre revient à mettre sur un piédestal la notion de mensonge, en minimisant l’importance de l’usurpation d’identité. En plus d’être une amie en carton, Sierra est une bully des émotions nombriliste. En théorie, on discerne les intentions du film : l’amour entre Sierra et Jamey est tellement pur qu’il outrepasse quelque chose d’aussi frivole que l’apparence physique. Le bémol, c’est qu’accepter ça comme message à retenir reviendrait à encourager la manipulation d’autrui comme moyen pour atteindre une fin jugée louable. Merci, mais non merci.